L’Anthroposophie : secte et non religion !

Dans cet article, je voudrais revenir sur une question fondamentale concernant la nature de l’Anthroposophie, à savoir ce qui la différencie d’une religion et fait d’elle une secte. En effet, bon nombre de personnes connaissant les écoles Steiner-Waldorf peuvent aller jusqu’à admettre que celles-ci sont fondées sur la doctrine anthroposophique. Mais elles en concluent souvent qu’il suffirait que l’Anthroposophie soit assumée au grand jour pour que disparaisse le caractère problématique et sectaire de ces écoles.

Ces personnes pensent ainsi que, si les écoles Steiner-Waldorf assumaient leur Anthroposophie comme les écoles catholiques assument leur lien au Christianisme, ces dernières cesseraient aussitôt d’être des écoles sectaires. Certaines écoles Steiner-Waldorf ont d’ailleurs commencé à communiquer en ce sens, comme en témoigne un article du Monde concernant l’Ecole du Domaine du Possible où il est question d’une « spiritualité assumée ».

Malheureusement, il me semble que cela ne suffirait absolument pas. En effet, si le fait de masquer la doctrine qui la sous-tend est certes un élément du sectarisme des écoles Steiner-Waldorf, ce n’est pas le seul élément qui font d’elles, selon moi, des dérives sectaires. Dans cet article, je voudrais tenter de mettre le doigt sur ce qui fait de l’Anthroposophie et de toutes ses émanation​s des dérives sectaires. Je vais pour cela me fonder sur quatre critères :

– la dissimulation ;

– la coupure avec la société ;

– la perte de soi-même ;

– l’atteinte à la liberté.

Ces critères sont les miens et non ceux de la MIVILUDES ou de l’UNADFI, qu’ils ne recoupent que partiellement, sans néanmoins entrer en contradiction avec eux. Faire rentrer l’Anthroposophie dans les critères de définition d’une dérive sectaire élaborés par la MIVILUDES serait certes très intéressant, mais ce n’est pas mon travail, lequel doit s’en tenir à son rôle de témoignage. L’entreprise consistant à définir l’Anthroposophie en tant que secte ou dérive sectaire au sens des instances officielles de notre République n’est pas de mon ressort, mais de celui des services de Police et de Justice de notre nation.

La dissimulation​

Je crois avoir longuement décrit, dans de nombreux articles, à commencer par L’endoctrinement des élèves à l’Anthroposophie dans les écoles Steiner-Waldorf, la manière dont l’Anthroposophie approche toujours les individus à travers un masque, c’est-à-dire en dissimulant sa vraie nature. Concernant ce point, le lecteur pourra aussi se référer à mon article : Masques, mensonges et dissimulation dans les écoles Steiner-Waldorf et dans l’Anthroposophie. C’est le premier critère du sectarisme.

La coupure avec la société

Je crois avoir également exhaustivement décrit dans d’autres articles comment, dans les écoles Steiner-Waldorf et dans l’Anthroposophie, se produit progressivement une coupure avec le reste de la société, pour constituer un monde à part, en marge, percevant ce qui est à l’extérieur de lui comme sans valeur, voire hostile. C’est là le deuxième critère du sectarisme, après celui de la dissimulation. Le lecteur pourra se référer notamment à l’article : Endoctrinement et dissimulation : une synthèse.

Ces deux premiers critères nous permettent déjà de distinguer l’Anthroposophie d’une religion.  En effet, la question de la distinction entre une secte et une religion est difficile en ce sens où une secte utilise de nombreux éléments religieux, au point de paraître être elle-même une religion. Mais, en réalité, ce n’est pas la même chose. Certes, il y a de nombreux éléments aliénants au sein d’une religion, comme l’ont très bien montré Freud, Marx et Nietzsche, ou d’autres. Et il n’est pas certain que les religions puissent jamais s’en dépêtrer, du moins dans les formes communautaires, cultuelles et doctrinales qu’elles ont encore aujourd’hui. Or une religion sans communauté, sans culte et sans doctrine, je ne vois pas bien à quoi cela pourrait ressembler, mais je n’exclus pas la possibilité que cela puisse exister un jour.

Toutefois, contrairement à l’Anthroposophie, une religion ne dissimule pas ce qu’elle est et ne conduit pas nécessairement à une coupure avec la société. Les croyants peuvent assumer ouvertement leur foi et intégrer harmonieusement la société dans laquelle ils vivent, même quand celle-ci n’a pas été bâtie par leur propre religion, ou qu’elle l’a été par une république laïque, ou par un mélange composite des deux.

L’Anthroposophie se distingue donc d’une religion au moins sur les deux premiers critères qui définissent le sectarisme : la dissimulation et la coupure avec la société. Il existe encore selon moi deux autres critères caractéristiques de la secte, que l’on trouve nécessairement dans l’Anthroposophie – car ils lui sont consubstantiels – mais qu’on ne trouve pas nécessairement dans une religion.

La perte de soi-même

Pour évoquer ces deux autres critères, je ne vais pas procéder à une réflexion théorique étayée par des références de la littérature philosophique et psychologique, car celles que je possède me semblent insuffisantes pour cerner le phénomène. Je vais en revanche me fonder sur mon vécu au sein de l’Anthroposophie.

Il se produit en effet dans une secte un phénomène que l’on peut appeler la perte de soi-même. Il est difficile à décrire, en raison du fait que, tant sur le plan philosophique que psychologique, ce qui constitue l’identité profonde de la personne humaine reste singulièrement énigmatique. Et pourtant, d’après​ mon expérience, la vie dans l’Anthroposophie finit toujours par conduire progressivement à ce point où les individus ne sont plus eux-mêmes​.

Je crois qu’il est même parfois possible de sentir le moment où se produit ce basculement, cette perte de soi. J’ai vu ainsi nombre de mes anciens amis anthroposophes arriver à ce point, résister un moment, puis sombrer définitivement dans le non-moi. Cela se passait sous le seuil de la conscience ordinaire. Mais des soubresauts de cette lutte agitaient parfois les surfaces de leurs vies. Une fois les armes rendues, quelque chose s’éteignait dans leurs regards. Ils n’étaient plus eux-mêmes et l’avaient accepté. Car le coût à payer pour l’être – ou le redevenir – leur paraissait beaucoup trop élevé. Ce calcul les enfonçait donc dans le renoncement à leur propre moi, malgré les souffrances que cela leur procurait et qu’ils devaient sans cesse s’efforcer d’ignorer. (Lire à ce sujet : L’emprise de l’Anthroposophie)

L’Anthroposophie conduit à la perte de soi. En ce sens, elle répond au troisième critère du sectarisme, après ceux de la dissimulation et de la coupure avec la société.


L’atteinte à la liberté

Enfin, le quatrième critère qui  définit, selon moi, la secte est celui de la perte de sa liberté intérieure. Là encore, il est difficile de mettre des mots sur ce phénomène, ou de l’expliquer conceptuellement, en raison du fait que ce qui fait de nous des êtres libres reste encore assez mystérieux pour la philosophie, comme pour la psychologie. Cependant, une dérive sectaire comme l’Anthroposophie peut nous faire toucher du doigt cette réalité.

Pour ma part, ce sont les attendus du jugement de la XVIIème Chambre Correctionnelle de Paris qui m’ont permis d’accéder à la perception de cette réalité dans ma propre vie. En effet, pour prononcer leur jugement dans le cadre de la plainte en diffamation qu’avait déposée contre moi la Fédération des écoles Steiner-Waldorf, les juges se sont longuement penchés sur mon parcours personnel​ dans l’Anthroposophie, depuis l’âge de 9 ans jusqu’à ma 41ème année (Lire à ce sujet : Ma vie chez les anthroposophes). Ils ont remarqué le moment de mon existence où, selon leurs propres termes, « j’avais senti que mon libre-arbitre était menacé ».

Les juges l’ont très bien exprimé : il y a dans l’Anthroposophie quelque chose qui, oeuvrant au fond des personnes, s’attaque à leur libre-arbitre ! En y réfléchissant, il m’apparaît aujourd’hui normal que ce soient des juges, et non des psychologues ou des philosophes, qui aient pu mettre le doigt sur ce phénomène et m’aient ainsi aidé à le cerner. En effet, leur profession consiste précisément à scruter ce qui, dans les actions humaines, relève de la responsabilité de leur auteur et ce qui n’en relève pas. L’existence du libre-arbitre n’est pas seulement, pour eux, une notion théorique, mais une réalité qu’ils doivent s’efforcer de percevoir pour pouvoir rendre leurs verdicts. Et les juges de la XVIIème Chambre Correctionnelle de Paris ont bien perçu que l’Anthroposophie avait été jusqu’à menacer mon libre-arbitre.

En effet, c’est ce que fait toujours l’Anthroposophie, quelles que soient les formes qu’elle prend. Une amie qui regardait dernièrement sur Youtube la vidéo de l’inauguration de l’école du Domaine du Possible, à Arles, me disait :

– « C’est incroyable, on sent chez ces gens et dans toute cette mise en scène une haine profonde de la liberté ! »

– « C’est étonnant que tu le perçoives si vite, lui répondis-je. La plupart des gens ne verront là que de beaux discours animés de belles intentions, un agréable concert, une chorégraphie sympathique, voire impressionnante, etc. En un mot, « une jolie initiative pédagogique », comme l’a dit de manière affligeante Romain Blachier, le membre de l’équipe Culture d’Emmanuel Macron, qui pleurniche et rouspète sans être capable d’une once d’argumentation rationnelle ni documentée parce que Jean-Luc Mélenchon a critiqué l’école de Françoise Nyssen, sa gentille Ministre de la Culture.

– « Pas moi ! me répliqua-t-elle vertement. Ces gens détestent profondément la liberté ! Cela se sent dans cette uniformité psychique qu’ils cherchent à imposer subrepticement, jusque dans les vêtements, mais aussi dans leur manière de guider et de provoquer sciemment chez les élèves et les parents des émotions et des pensées qu’ils ont en fait préparées longtemps à l’avance. C’est répugnant ! »

Conclusion

Ainsi, il me semble que nous pouvons caractériser l’Anthroposophie comme une secte et non comme une religion, en nous basant sur les quatres critères essentiels que nous avons définis dans cet article : dissimulation, coupure avec la société, perte de soi-même et atteinte au libre-arbitre.

Ceci la distingue à nouveau d’une religion. Car il existe des croyants qui – tout en pratiquant leur religion – ont su rester eux-mêmes et conservent leur libre-arbitre.

C’est parce que l’Anthroposophie est à l’oeuvre dans les écoles Steiner-Waldorf que celles-ci ne sont en fait pas les structures d’une pédagogie alternative mais des lieux où l’on porte atteinte aux identités profondes des élèves et à leurs libre-arbitres. C’est pourquoi celles-ci ne devraient pas êtres autorisées par la loi.

A propos gperra

Professeur de Philosophie
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Un commentaire pour L’Anthroposophie : secte et non religion !

  1. cambier JP dit :

    Merci pour cette analyse très claire !
    J’ai approché les disciples de Steiner dans les domaines de l’agriculture et des analyses médicales (directement de ma compétence) telles que les « cristallisation sensibles » . C’est pourquoi je me permets de compléter votre analyse : dans ces domaines, les disciples suivent uniquement des « vérités » révélées : les soi-disant « preuves » d’efficacité n’en sont pas, mais sont pourtant citées à tort et à travers. Nos concitoyens ne sont pas formés à l’esprit scientifique, hélas. Devant mes doutes sur les « cristallisations », il m’avait été répondu : »vous n’avez pas l’oeuil ouvert ». Cet aspect complète la perte de libre-arbitre que vous décrivez, l’anthroposophie remplace l’analyse et le doute scientifiques par la croyance. Qui fait déjà des ravages avec le conspirationnisme. JPC Dr en Philosophie, ex cadre industrie pharmaceutique.

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