La lettre de Henri Dahan

Henri Dahan a été, jusqu’en juillet 2018, le directeur de l’école du Domaine du Possible, à Arles, fondée et subventionnée par Françoise Nyssen et Jean-Paul Capitani. À ce titre il bénéficiait, avec son épouse Praxede Dahan et sa fille Nathanaëlle Dahan-Selimi, d’une confortable rémunération, ainsi que du pouvoir d’embaucher ou de renvoyer les collaborateurs qu’il souhaitait au sein de cette structure qui n’était pas censée être une école Steiner-Waldorf.

Ce pouvoir, Henri Dahan en a largement usé. Tout d’abord pour embaucher des professeurs Steiner-Waldorf purs et durs lui permettant de noyauter l’école qu’on lui avait confiée. Puis pour virer – bien souvent comme des malpropres – les personnes qu’il estimait « ne pas avoir la couleur de l’école », c’est-à-dire celles dont il pouvait sentir qu’elles allaient résister à l’Anthroposophie et aux pratiques à caractère de dérive sectaire qu’il installait peu à peu.

Mais comme le dit le proverbe : « Qui a vécu par l’épée périra par l’épée » ! Ainsi, lorsque la presse eut vent du fait qu’une cérémonie anthroposophique comme la « Spirale de l’Avent » avait été organisée sans l’accord des parents avec les enfants de cette école, et que Jean-Paul Capitani comprit soudainement qu’il avait été dupé, le sort de cet ancien Délégué Général de la Fédération des écoles Steiner en France ressembla à celui qu’il avait lui-même fait subir à bon nombre de ses collaborateurs. « Il a été viré comme un chien ! » se sont en effet exclamés ceux qui, au début du mois de juillet 2018, ont assisté à la manière dont Henri Dahan a été renvoyé sans ménagement de son poste par l’époux de l’ancienne Ministre de la Culture d’Emmanuel Macron :

« Henri ! Tu te casses ! Tu sors d’ici ! Tu n’es plus directeur de l’école ! Casses toi immédiatement ! », hurlait en effet Jean-Paul Capitani en entrant comme une furie en pleine réunion que présidait un instant auparavant avec morgue et fierté cet anthroposophe de longue date.

Pour ma part, il n’est pas question de me réjouir du malheur de qui que ce soit, fût-ce d’un individu comme Henri Dahan. J’ai même plutôt pitié de ce professeur dont je me souviens encore comment, en 1979, alors qu’il n’était encore qu’une jeune recrue de l’école de Verrières-le-Buisson, son visage d’ancien élève Steiner-Waldorf qui n’avait pas réussi à faire autre chose de sa vie que ce que ses professeurs anthroposophes de l’école d’Alesia avait voulu qu’il devienne, suintait l’ennui, la tristesse et la mélancolie, tandis qu’il tentait de faire se mettre en rang sous la pluie des élèves qui ne l’aimaient pas et qu’il n’aimait pas non plus.

Ce qui m’intéresse en revanche est le phénomène d’anesthesie morale et d’incapacité à revenir sur ses propres erreurs – même lorsque celles-ci ont pris des dimensions catastrophiques – qui semble être le propre des adeptes de l’Anthroposophie et des pédagogues Steiner-Waldorf. Le document ci-dessous – qui semble avoir agacé certains membres de la Fédération des écoles Steiner au point de me le faire parvenir secrètement – en est selon moi une illustration parfaite. On y verra ainsi comment un homme totalement responsable d’un désastre dont la pédagogie Steiner-Waldorf en France portera longtemps la marque, tente malgré tout de se disculper en vilipendant Françoise Nyssen et Jean-Paul Capitani, les honnissant pour leur manque d’intelligence ayant conduit selon lui au revirerement de leur jugement sur la pédagogie Steiner-Waldorf. On y verra également comment Henri Dahan impute son départ à une volonté politique supérieure de « sauver la Ministre de la Culture », plutôt que d’envisager ses propres manquements. On remarquera enfin la fausse humilité dont fait preuve dans cette lettre Henri Dahan : la même que celle qu’il affiche lorsque Françoise Nyssen lui fait un compliment sur son sourire dans la vidéo de la cérémonie d’inauguration de l’école du Domaine du Possible sur YouTube.

Henri Dahan est fini. Plus personne ne lui confiera jamais le moindre projet Steiner-Waldorf. Outre la catastrophe de sa gestion de l’école du Domaine du Possible, n’est-il pas également le principal instigateur du procès intenté contre Grégoire Perra, avec les conséquences qui en ont découlées, se dira en effet le moindre responsable de l’Anthroposophie et des écoles Steiner ? Comment cet individu peut-il encore prétendre à se lancer dans un nouveau projet, ou même proposer son expertise ?! Est-il à ce point dépourvu de toute lucidité sur lui-même et sur sa situation ?

Car c’est bien ainsi que l’on finit par raisonner lorsqu’on devient anthroposophe et pédagogue Steiner-Waldorf : ce sont toujours les autres qui ont tort, qui ne nous ont pas compris faute d’être suffisamment intelligents, qui ont manigancés contre nous, etc. En créature accomplie de l’Anthroposophie, Henri Dahan nous en donne ici un exemple saillant.

Au-delà du destin personnel de Henri Dahan (en soit totalement inintéressant), une dernière chose peut retenir l’attention du lecteur. En effet, l’école du Domaine du Possible était un projet visant à mêler et à confondre les différentes pédagogies alternatives (à mon avis pour mieux masquer la pédagogie Steiner-Waldorf). Quelle que fût la sincérité qui a pu présider à cette initiative de la part des différents acteurs, l’échec inéluctable d’une telle entreprise a éclaté aujourd’hui aux yeux de tous. Pourquoi Henri Dahan s’est-il comporté comme il s’est comporté, humiliant et renvoyant les collaborateurs qui ne pensaient pas comme lui alors que cela faisait naturellement courir le risque d’une dénonciation, noyautant l’équipe pédagogique, organisant en dépit de toute prudence élémentaire la cérémonie de la Spirale de l’Avent avec les élèves ? Sa faible intelligence (distincte de sa malignité, en revanche très élevée) et une certaine arrogance mêlée de cruauté ne sont pas seulement en cause. Ce qui explique ce qui est arrivé, c’est tout simplement le fait que Henri Dahan devait des comptes à la Fédération des écoles Steiner et aux anthroposophes : « Certains ont craint une trahison. » écrit-il en toutes lettres dans le courrier ci-dessous, évoquant les réactions des membres de la Fédération quand il s’est lancé dans ce projet avec Actes Sud il y a quelques années. Ce qui signifie que Henri Dahan savait son école surveillée par les instances de l’Anthroposophie et estimait qu’il avait à se justifier vis-à-vis d’elles. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’il s’empresse de leur écrire ce 29 septembre 2018, jour de la Saint-Michel, espérant sans doute par le choix de cette date sacrée aux yeux des anthroposophes démontrer la persistance de sa foi anthroposophique afin de susciter leur bienveillance à son égard, voire peut-être même d’obtenir leur pardon et sa rédemption.

Henri Dahan démontre ainsi par son échec – par l’épreuve de la réalité – que la soit-disant pédagogie Waldorf n’est susceptible d’aucune évolution, d’aucune transformation, d’aucune clarification de ses liens avec l’Anthroposophie ! L’aventure de l’école du Domaine du Possible a fait la démonstration désormais irréfutable que la pédagogie Steiner-Waldorf est constitutivement attachée à l’Anthroposophie et aux anthroposophes. Et qu’elle ne pourra jamais s’en détacher ! Il n’y a pas pour elle de possibilité de « partir du point zéro », comme le prétendait Bodo von Plato dans un article des Nouvelles de la Société Anthroposophique en France. Car elle ne possède aucune possibilité d’ouverture à ce qui n’est pas elle, à ce qui n’est pas inscrit dans ses traditions, à ce qui n’a pas été dicté par Rudolf Steiner. L’échec de Henri Dahan est l’echec de toute évolution possible de la pédagogie Steiner-Waldorf et sa disqualification à se joindre aux autres pédagogies alternatives.

Arles, le 29 septembre 18

Aux Conseillers de la Fédération,
Aux Conseils de Direction et d’Administration des écoles Steiner-Waldorf en France (si la Fédération le juge opportun),

Chers collègues, chers amis,

Vous l’avez appris d’une façon ou d’une autre, mon aventure avec l’école Domaine du Possible a pris fin de façon brutale par mon expulsion soudaine et publique début juillet. Pour la justifier, la Direction de l’école a dénoncé les pratiques qualifiées de dogmatiques et ésotériques de notre Conseil de Direction, foulant au passage la pédagogie Steiner-Waldorf qu’elle avait défendue, 3 ans auparavant, comme intelligente, ouverte et bienveillante.

Je n’entrerai pas ici dans les détails, mais il ne fait désormais aucun doute que les raisons sont d’ordre politique. La pédagogie Waldorf fait les frais d’une tentative de sauvetage de la Ministre de la Culture. Je fais moi-même, dans la presse, l’objet de calomnies, de procès d’intentions et de mensonges dénués de preuves.
Certains collègues, très affectés par ces actes, ont décidé de quitter l’école, malgré leur attachement profond aux enfants avec lesquels ils avaient créé un lien intense, et aux dépens de la stabilité que leur offrait leur poste. Il s’agit de Jean Pierre Ablard, de Jonathan Rebouillat et de Praxède Dahan. Certains parents, bien que pris au piège au cœur de l’été, ont réussi à inscrire leurs enfants dans d’autres établissements et d’autres qui sont restés, faute de solution, ont exprimé leur colère de constater le changement brutal d’orientation de l’école, sans explication et dans le mépris du projet qu’ils avaient choisi.

Face à cette violence, il m’importe de vous dire comment je me situe :

– Je renonce à défendre publiquement ma personne, je le pense inutile. Je travaille à désamorcer l’onde de choc qui fait suite à ce traumatisme et choisis de me tourner vers l’avenir. La réflexion que j’ai menée et l’expérience de trois années avec mes collègues ne sont pas perdus. J’ai beaucoup appris, mais je suis très loin de me satisfaire des fruits modestes de cette tentative avortée. Par elle se trouve confirmée mon attachement profond à la force de la pédagogie Steiner-Waldorf qui m’a formée et que j’ai tenté toute ma vie de comprendre et d’expérimenter.

– Je trouve par contre intolérable que la pédagogie Waldorf serve d’épouvantail aux journalistes pour enfoncer la Ministre, et de paillasson à ses défenseurs pour tenter de la sauver. Là, je voudrais contribuer comme je peux à la défense de cette pédagogie en France.

Chers amis, je sais combien a été controversée au sein de notre mouvement, mon choix de quitter l’institution Steiner-Waldorf pour rejoindre Actes Sud et tenter un projet inspiré par notre pédagogie. Certains ont craint une trahison, d’autres ont nourri un espoir de voir entrer davantage notre pédagogie dans le paysage éducatif français.

J’étais en paix avec moi-même, je n’ai pas eu l’impression de trahir. Je n’ai pas eu l’arrogance de vouloir faire mieux. J’ai voulu tenter autrement et je nourrissais ouvertement l’espoir de contribuer à renforcer notre pédagogie en France. Espoir terriblement déçu et, bien pire, bafoué par les évènements qui font aujourd’hui du tort à cette pédagogie, en l’absence de courage et de vergogne des dirigeants d’Actes Sud qui autrefois furent outragés par les attaques infondées que nous subissions.

J’en suis profondément affecté.

À présent, je veux laisser un temps de recul avant de me lancer dans un nouveau projet, mais bien sûr, j’y pense et accueille avec bonheur toutes les pistes qui pourront se présenter. Je souhaite aussi mettre à profit ce temps de latence pour apporter de l’aide, si je le peux, à ceux qui me solliciteraient.

Avec mon amitié profonde,

Henri Dahan

A propos gperra

Professeur de Philosophie
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