Les moeurs sexuelles au sein des écoles Steiner-Waldorf

Voici quelques extraits des articles parus sur mes blogs, témoignant de la particularité des formes que peuvent prendre dans les écoles Steiner-Waldforf les mœurs sexuelles. Cette singularité est à mon sens à mettre sur le compte de la vie en vase clos de ces institutions appartenant au « milieu anthroposophique », c’est-à-dire à l’univers social de la dérive sectaire Anthroposophie.

1) Concernant les mœurs sexuelles entre élèves :

Trois extraits de mon long témoignage intitulé Ma vie chez les anthroposophes, publié depuis de nombreux mois sur mon blog :

« (…) Cette ambiance sociale délétère qui régnait dans la classe de ma sœur mérite un développement. En effet, j’ai souvent rencontré ce genre d’ambiance dans les « Grandes classes » des écoles Steiner-Waldorf, en tant qu’élève mais aussi en tant qu’enseignant. Dans certaines classes en effet, à partir de la « 9ème » ou « 10ème », il était fréquent que les élèves de ces écoles se mettent à avoir des comportements problématiques, comme le fait de coucher les uns avec les autres de manière fébrile, ayant autant des relations hétérosexuelles qu’homosexuelles entre eux. Les élèves organisaient des fêtes chaque week-ends dans les grandes maisons de leurs parents, invitant toute leur classe, lesquelles fêtes avaient tendance à se transformer en orgies ou en « partouzes ». L’alcool y coulait à flot, dès la fin du collège. Assez rapidement, la consommation de substances illicites comme des drogues douces y faisaient leur apparition. Nous les voyions, en tant qu’enseignants, revenir les lundis matins complètements épuisés, parfaitement inaptes au travail, nous racontant sans pudeur ce qui s’était produit pendant ces deux jours. Parfois, nous apprenions également que ce genre d’activités sexuelles avait lieu dans l’enceinte même de l’école : les élèves faisaient l’amour dans les toilettes, s’essayant les uns les autres. Une fois, l’une des enseignantes d’une école Steiner-Waldorf où j’ai travaillé m’a raconté que l’école avait du prendre la décision de fermer la salle du « foyer des lycéens » qui avait été attribuée aux « Grandes classes », car celle-ci était devenue, selon ses propres termes, un « baisodrome ».

En décrivant ces faits, je ne me place pas dans une optique de condamnation puritaine de la sexualité des adolescents. Mais je m’interroge sur les causes psychologiques qui incitaient ces adolescents à se comporter de la sorte. Car je crois que cela ne leur faisait aucun bien : à force d’échanger ainsi leurs partenaires sexuels au sein d’un petit groupe fermé d’individus se connaissant depuis le « Jardin d’enfants » et qui avaient vécu dans la même classe sous l’autorité d’un même professeur responsable pendant parfois huit années consécutives, comme des frères et des sœurs, ces continuelles coucheries créaient une sorte d’ambiance incestueuse. Je crois aussi que ce déchaînement de leur libido n’était pas sans rapport avec le fait qu’ils avaient été maintenus, durant toute leur scolarité, dans les « Petites classes » et les « Moyennes classes », dans une sorte d’ambiance infantilisante. Puisqu’on les avaient obligé à vivre comme de petits anges durant toute leur enfance, voilà qu’ils se transformaient en vrais démons durant leur adolescence ! L’inhibition de la sexualité – et de la parole autour d’elle – au moment de la transition vers la puberté favorisaient ainsi les comportements comme ceux que j’ai observé. Rien de plus maladroit ni de plus ridicule qu’un pédagogue ésotériste anthroposophe quand il s’agit de parler de sexualité aux élèves ! D’ailleurs, ils ne le font pas, comme si cette dimension de l’existence n’avait aucune réalité pour eux. Ce problème  n’était pas non plus sans rapport avec le contexte d’enfermement mental, de vase-clos social et de dérive sectaire de ces écoles. L’aspect le plus gênant des débordements sexuels des élèves était qu’ils se produisaient également pendant les cours, sans aucune pudeur. Une fois, devenu professeur Steiner-Waldorf, je du faire un véritable scandale dans un de mes cours pour expliquer à mes élèves que l’évocation de leurs déboires amoureux n’avait pas sa place dans la salle de classe, et que je n’avais pas non plus à accepter leurs incessantes caresses et autres bisous dans ce contexte. Ils me regardaient, hébétés, sans sans comprendre où était le problème. On ne leur avait visiblement jamais tenu un tel discours. Je ne crois pas qu’il soit bon signe de ne plus faire plus du tout de distinction entre la sphère publique et la sphère privée. Le fait que cette pédagogie ne leur demandait presque aucun travail scolaire, puisque l’école était une sorte d’école buissonnière, ne faisait qu’aggraver ce processus : n’ayant pas d’objectifs scolaires, pas d’autres ambitions que de vivre dans ce petit paradis d’insouciance coupé du monde, vivant entre eux dans un milieu à part et hors de la société, les adolescents Steiner-Waldorf trompaient l’ennui par une débauche de sexualité, d’alcool et de drogues. Parfois, outrés, les professeurs Steiner-Waldorf constataient cet état de fait avec une curiosité qui montrait davantage de fascination que de volonté d’y remédier. Quand certains ne profitaient pas de l’occasion pour franchir la ligne rouge. Pour ma part, en tant qu’élève, je n’avais pas connue cette ambiance. J’étais resté parmi les élèves de ma classe qui refusaient de partager les orgies de l’autre partie. Je demeurais assez tardivement du côté des « petits anges attardés » en lesquels la pédagogie Steiner-Waldorf transforme ses élèves des « Moyennes classes ». Un de mes camarades, qui était dans le même état d’esprit, m’avoua qu’il avait du attendre la trentaine avant d’avoir sa première relation sexuelle. Mais cela non plus ne fut pas sans conséquences problématiques pour moi.

Ce point rejoint un événement qui a eu un certain retentissement médiatique. En effet, après les accusations de sectarisme survenues autour des années 2000, les écoles Steiner-Waldorf de France avaient enregistrée une spectaculaire baisse de leurs effectifs et avaient décidé de sortir le grand jeu pour reconquérir l’opinion public. Pour cela, la Fédération des écoles Steiner-Waldorf fit venir leurs soutiens publics les plus illustres et leur demandèrent de visiter une de leurs écoles. C’est ainsi que, le 2 juin 2003, Albert Jacquard, Tomi Umgerer, René Barbier et Jean-Marie Pelt se virent propulser à la tête d’un petit groupe baptisé à brûle-pourpoint « comité pédagogique » par la Fédération, dont le rôle était « d’évaluer » ces écoles et cette pédagogie. Une évaluation dont la seule « critique » consistait à dire que les écoles Steiner-Waldorf devaient mieux faire connaître leur formidable pédagogie. A cette occasion, Albert Jacquard, qui avait bien remarqué, dans les « Grandes classes », ce comportement pour le moins excentrique des élèves Steiner-Waldorf, aurait fait à l’un des dirigeants de la Fédération la déclaration suivante : « La preuve que vous n’êtes pas une secte, c’est la manifestation de la libido chez vos élèves. Une secte aurait plutôt tendance à la brider. » Des années plus tard, ce dirigeant de la Fédération ne cessait de répéter cette phrase à ses collègues et aux parents, la considérant comme un blanc-seing. Cependant, si M. Albert Jacquard avait réfléchi un peu plus loin que le bout de son nez épaté à ce qu’il avait vu, sans doute aurait-il été en mesure de comprendre que, précisément, le déchaînement de la libido des élèves Steiner-Waldorf, survenant après une sorte d’inhibition prolongée et sous des formes relationnelles et psychologiques délétères, avait au contraire tout du symptôme d’une grave dérive sectaire. »

2) Concernant les mœurs sexuelles entre professeurs :

« (…) Durant ces deux premières années d’enseignement dans une institution Steiner-Waldorf, même si ce ne fut que deux heures par semaines, je commençais à découvrir l’envers du décors, c’est-à-dire les relations sociales délétères des professeurs entre eux. En effet, il régnait une promiscuité qui avait des répercussions des plus problématiques sur l’ambiance de travail. Par promiscuité, je veux dire que les relations extra-conjugales, les tromperies, les « échanges de conjoints » étaient monnaie-courante au sein de cette équipe enseignante. Cela donnait souvent lieu à des situations cocasses où l’ex-mari de l’une devenait le plus proche collègue de l’autre, et vis-versa. Certaines inimitiés profondes et irréductibles avaient pour cause des tromperies avérées ou soupçonnées. Ainsi, j’appris, une vingtaine d’année plus tard, lors du décès d’un enseignant, qu’une querelle immémoriale opposant son épouse à une autre collègue trouvait son explication dans une histoire extra-conjugale clandestine qui avait eu lieu entre les deux premiers au tout début de leur carrière. L’épouse en question l’avait flairé inconsciemment, ce qui se traduisait par le fait qu’elle ne cessait de critiquer les méthodes pédagogiques de la première. Certains enseignants particulièrement séduisant et beaux-parleurs accumulaient les conquêtes féminines dans le cercle de leurs collègues et même dans celui des jeunes mamans de l’école, qui succombaient les unes après les autres. Lors des réunions de parents, cela pouvaient donner des situations particulièrement embarrassantes, comme des prises de bec entre un mari trompé et l’enseignant qui avait la charge… de son enfant, sous les yeux de la femme du premier et de l’épouse du second, qui était aussi la maîtresse du premier. Il n’était pas rare que se produisent des divorces, suivis de remariages dans le cercle restreint des parents et des professeurs, si bien que les familles recomposées se trouvaient obligées de cohabiter ensemble sur leur lieu de travail, les enfants des uns et des autres devant se supporter parfois dans la même classe. Un matin, dans une école Steiner-Waldorf où j’ai travaillé, un collègue cherchait partout un autre professeur pour lui casser la figure, sous les yeux des élèves médusés, parce que pendant la nuit ce dernier avait couché avec sa femme. Une autre fois, dans cette même école, c’est une enseignante qui avait choisi comme accompagnateur dans un voyage de classe un parent d’élève, qui était également son amant : leur relation peu discrète était bien évidement le sujet de toutes les conversations chez les élèves au cours de ce séjour, alors même que les enfants de l’amant en question étaient du voyage. Une autre fois encore, c’est un parent de l’école, qui s’était fortement investi dans la mise en place d’une nouvelle organisation des modes de décisions collégiales (« Sociocratie » ou « Chemin vers la qualité »), qui s’est mis à sortir avec l’enseignante chargée de cette réorganisation structurelle, provoquant le départ de toute sa progéniture et de leurs cousins, qui étaient également scolarisés dans l’école, quand sa femme et sa belle-famille l’apprirent. En évoquant de tels faits, je ne milite pas pour un rigorisme absolu en matière de mœurs conjugales. Mais dans aucun milieu professionnel que j’ai approché je n’ai pu constater un tel entremêlement des relations et une telle confusion des genres ! Tout cela pourrait peut-être prêter à sourire, mais il n’est pas sain qu’une institution fonctionne ainsi, surtout quand elle est investie d’une mission éducative. Cette ambiance d’échanges constant de partenaires sexuels et de conjoints au sein d’une structure fermée sur elle-même ne finit-elle pas nécessairement par avoir des effets que je qualifierais de « consanguinité psychologique » ? Et cette abolition des barrières entre le professionnel et le familial ne peut-elle pas constituer une sorte d’étape intermédiaire vers une situation plus problématique et cette fois illégale où les élèves eux-mêmes seraient concernés ? »

3) Concernant les mœurs sexuelles entre professeurs et élèves :

« (…) Au cours de cette année de Terminale Littéraire dans une autre école Steiner-Waldorf, je rencontrais une jeune fille qui allait devenir ma petite amie durant une période assez longue. Elle assistait comme moi aux conférences anthroposophiques à proximité de l’école et était enthousiasmée. Elle venait d’une famille d’anthroposophe de l’Est de la France. Auparavant, elle avait fait sa scolarité à l’école Steiner-Waldorf de Fribourg, en Allemagne. Cependant, elle avait avait du revenir précipitamment en France, car elle avait été en proie à des avances répétées de son professeur de musique, ce qui avait provoqué un scandale dans l’école, tout le monde étant persuadé qu’elle avait une liaison avec lui, rumeur entretenue par les nombreux cours particuliers qu’il lui donnait. Elle était encore très choquée par cette histoire lorsqu’elle arriva en région parisienne.

Peu après que nous ayons commencé notre relation amoureuse, je commençais à avoir des problèmes avec mon professeur de Mathématiques, qui se montrait humiliant avec moi en cours. Je pensais au départ que cela était du à mes faibles performances, jusqu’à ce que ma petite amie m’informe que ce professeur lui avait déclaré sa flamme. Il était comme transi d’amour pour cette jeune fille de 17 ans et sa haine à mon égard était proportionnelle à sa passion pour elle. Bien évidement, cela eu un impact très négatif sur mes performances dans sa matière au Baccalauréat. Le montant de la scolarité très élévé que cette école demandait n’empêchait donc pas ses professeurs de nuire aux résultats de leurs élèves par incapacité à contrôler leur libido.

Je mentionne cet épisode car il rejoins un propos que m’a tenu, bien plus tard, Raymond Burlotte, le directeur de l’Institut de Formation à la Pédagogie Steiner-waldorf. Nous étions réuni avec Jacques Dallé, alors Président de la Fédération, dans les locaux de cette dernière, rue Gassendi. Alors que je lui relatait un événement similaire à celui qui était survenu entre ce professeur de mathématiques et ma petite amie, Raymond Burlotte me déclara : « On sait très bien que ce genre de choses arrivent fréquemment dans nos écoles. Ce qu’il faut absolument, c’est éviter de les ébruiter ! ». A quoi Jacques Dallé ajouta : « Lorsque survient un événement compromettant de ce genre dans une école Waldorf, il faut rapidement en contrer la nouvelle en répandant un mensonge comprenant un élément de vérité. L’élément de vérité contenu dans ce qui est faux viendra accréditer l’ensemble aux yeux de tous. »

Extrait de mon article, Un secret de polichinelle :

« Dans mon article paru sur le site de l’UNADFI, je donne comme exemple d’une proximité douteuse entre professeurs et élèves, dans les écoles Steiner-Waldorf, le cas d’une relation illicite entre un jeune enseignant et une élève mineure, relation dont j’ai été le témoin lorsque j’étais moi-même enseignant dans une de ces institutions :

« J’ai par exemple été témoin, lorsque j’enseignais dans l’une de ces écoles, d’une relation illicite qui s’était nouée entre un enseignant et une élève des grandes classes. Ils avaient commencé à sortir ensemble lorsque l’élève était en 10e classe (Troisième) et cette histoire a perduré jusqu’en 12e classe (Première ou Terminale). Tous les professeurs des classes du Lycée, dont certains étaient membres du Comité Directeur de l’école, étaient au courant. Comment auraient-ils pu l’ignorer, puisque ce professeur et cette élève avaient fini par vivre ensemble dans le même appartement. Lorsque ce professeur a quitté l’école après avoir obtenu sa certification lui permettant d’enseigner ailleurs, tous les professeurs des grandes classes, sauf un qui a sans doute voulu rester prudent mais qui savait comme les autres ce qu’il en était, sont venus à une petite fête dans cet appartement. Entre enseignants et élèves chacun faisait semblant d’ignorer ou de cacher ce qui n’était qu’un secret de polichinelle. »

Dans le cadre de cet article, dont le but était de brosser un portrait général du fonctionnement de ces écoles, je ne pouvais m’appesantir sur ce fait. Pourtant, ce dernier mérite d’être raconté dans le détail. Non pas pour jeter la pierre à un enseignant, ni même à une école en particulier, mais pour décrire jusqu’où peuvent s’enliser ceux qui se sont empêtrés dans une stratégie de dissimulation.

En effet, l’histoire de cette élève et de ce jeune enseignant d’une école Steiner-Waldorf, ainsi que de l’équipe pédagogique qui s’est rendue complice, pendant des années, de cette relation illicite revêt, par certains aspects, des traits tout autant comiques que lamentables. Je vais la raconter telle qu’elle m’a été transmise par les élèves eux-mêmes, ainsi que par les enseignants, qui m’avaient mis dans la confidence, complétant ainsi mes observations personnelles :

Leur histoire commença lors d’un voyage de classe de 9ème classe (3ème), par une lettre que la jeune fille, qui n’avait pas froid aux yeux, adressa à son enseignant. La lettre commençait ainsi :

« Je suis une élève. Accepteriez-vous de sortir avec une élève ? »

Puis la lettre se terminait par une demande de réponse, en indiquant une pierre dans le jardin, sous laquelle le jeune enseignant pourrait laisser sa missive. Sa première réponse fut négative. Manque de chance, celle-ci fut trouvée par d’autres élèves et l’histoire fit sensation dans l’ensemble de la classe, si bien qu’il fallu organiser une réunion plénière, en présence des deux enseignants accompagnateurs, pour exiger que cessent les commérages.

L’histoire aurait pu s’arrêter là. Mais la jeune fille revint à la charge et l’enseignant finit par céder à ses avances. Il alla aussitôt en parler à sa collègue, celle qui l’avait accompagné lors du voyage de classe. Quand celle-ci appris cette relation, sa seule réaction fut de lui dire :

« Oh, comme je suis jalouse ! »

On ne sait pas bien si la jalousie de cette enseignante concernait l’histoire d’amour de son collègue, ou bien le collègue lui-même. Probablement un peu les deux. Ensuite, le jeune enseignant alla en parler à un membre de la direction de l’école (Collège Interne), qui avait pour charge de superviser les « Grandes Classes » (le Lycée). Celui-ci ne fit rien, garda l’information pour lui et, à ma connaissance, ne la transmis pas officiellement au « Collège Interne », choisissant de « couvrir » son collègue.

Cependant, comme la plupart des membres du « Collège des Grandes Classes », une partie de l’école fut rapidement au courant, ainsi que les membres du « Collège Interne » qui avaient des adolescents scolarisés au Lycée, lesquels leur transmettaient en permanence toutes les informations de cet ordre.

En 11ème classe (1ère), cette histoire illicite faillit éclater publiquement. En effet, certains après-midis, le jeune enseignant et la jeune fille avaient pour habitude de se retrouver dans un grand parc. Celui-ci étant situé à une certaine distance de l’école, les « amoureux » pensaient pouvoir s’y embrasser copieusement sans crainte d’être découverts. C’était sans compter sur le fait que, dans ce Lycée, de nombreux élèves faisaient l’école buissonnière, et qu’il s’en trouva un pour les surprendre. L’événement fit alors le tour des élèves des Grandes Classes :

« Untel a vu M. G. et M. dans le parc de X en train de sortir ensemble ! »

Aussitôt alertée, l’équipe des « Grandes classes » se réunit et décida de la stratégie à tenir. Les élèves furent réunis et un « démenti » leur fut asséné, tandis que l’élève qui avait apporté l’information fut renvoyé séance tenante de l’établissement en raison, officiellement, de son absentéisme, qui jusque là n’avait pourtant dérangé personne.

L’année suivante, au cours du voyage classe de 12ème (Terminale), la situation devint encore plus délicate à gérer. En effet, le jeune enseignant fit partie du binôme chargé d’accompagner la classe au cours du voyage organisé dans un pays étranger, qui avait lieu traditionnellement cette année là. Le problème était le suivant :

– l’autre enseignante, qui accompagnait la classe, avait connaissance de cette relation, mais voulait absolument que personne ne se rende compte qu’elle était au courant, car elle faisait partie du « Collège de Direction » de l’école (alors appelé « Collège Interne ») ;

– une partie de la classe était au courant, mais l’autre non ;

– les deux « amoureux » avaient une envie de satisfaire leurs désirs sexuels de plus en plus impérieuse, ce qui les poussaient, par exemple, à se retrouver dans les vestiaires de la piscine, ou dans une chambre commune la nuit.

La jeune fille devait donc attendre que tout ses camarades se soient endormis pour quitter le dortoir et aller rejoindre son amant dans sa chambre, puis revenir discrètement, avant qu’ils ne se réveillent en ne remarquent son absence. Pendant tout ce voyage, elle fut épuisée, ne manifestant plus aucun intérêt pour les éléments culturels de la ville qu’il s’agissait de visiter (une grande capitale culturelle européenne). Une partie de la classe dut également dépenser beaucoup d’énergie et déployer des trésors d’ingéniosité pour dissimuler à l’autre partie (qui l’ignorait) la relation qui avait lieu, presque sous leur nez. Tandis que l’accompagnatrice dû jouer le rôle d’une potiche d’une extrême naïveté pour feindre de ne pas voir tout ce qui avait lieu en sa présence.

Je crois pouvoir dire que cette histoire amoureuse perturba grandement la scolarité de la jeune fille, qui ne pensait plus qu’à cette affaire et aux manières de continuer à dissimuler quelque chose dont la rumeur grandissait de jour en jour. Pour la préserver et faire ce qu’ils croyaient être l’aider, l’ensemble des enseignants des Grandes Classes lui donnèrent des notes au-dessus de son niveau réel, y compris son amant, qui enseignait une matière clef de son cursus. D’ailleurs, lorsqu’il arrivait à ce dernier de mettre à son amante une note en dessous de la moyenne, celle-ci se vengeait en privé en lui imposant l’abstinence pendant quelques jours, lui faisant ouvertement la gueule. Son tempérament caractériel, plongé dans une situation par essence confuse, ne lui permettait absolument plus de faire la part des choses entre le scolaire et le privé.

Ce n’est que le jour de la fin de la scolarité de l’élève en question que les professeurs du Lycée décidèrent d’organiser une fête chez les deux amants, qui avaient donc loué un appartement ensemble depuis deux ans, avec l’assentiment des parents. J’y étais. En effet, pour l’ensemble de l’équipe enseignante du Lycée, ce couple était devenu leur « protégé », et personne ne voyait le moindre problème déontologique ou moral à ce fait.

On voit donc, à travers cette histoire, comment dans une école Steiner-Waldorf peuvent se mettre en place des stratégies de dissimulation où l’on ment sciemment aux autres, ou l’on se ment à soi-même et où l’on devient le complice d’un mensonge quasiment institutionnalisé, que l’on soit professeur où élève. Et plus grave encore, comment se créent une ambiance et un état d’esprit tellement éloignés des règles de la vie normale que plus personne ne voit les problèmes déontologiques que posent certains comportements qui, normalement, devraient être répréhensibles, voire condamnés par la loi. A mon sens, l’habitude du mensonge et de la dissimulation, qui est propre aux écoles Steiner-Waldorf et à l’Anthroposophie, n’est pas étrangère à ce qui s’est passé et à la manière dont se sont déroulés les événements : le fait de vivre de manière permanente dans cet état d’esprit pour cacher l’Anthroposophie finit également par se manifester dans tout les autres domaines et toutes les autres circonstances de la vie. »

Un extrait de mon Rapport sur l’école Perceval de Chatou en 2007 :

« (…) Plus grave encore, je me rendais bientôt compte que, dans cette ambiance de promiscuité généralisée, des dérapages inquiétants étaient tolérés et faisaient même partie du folklore local. Tout d’abord, de petites choses en apparence anodines mais difficilement imaginables dans d’autres milieux scolaires : il n’était pas rare que certains enseignants aillent avec des élèves au café de la gare pour discuter ensemble après les cours autour d’un verre, ou que des professeurs invitaient des élèves à venir avec eux pour faire leurs courses. Je me souviens également d’une enseignante distribuant aux élèves du lycée une carte postale de sa dernière création théâtrale intitulée « La Mer », où on la voyait en maillot de bain, sans que cela ne la gêne. Cet acte revenait pourtant distribuer des photos d’elle en sous-vêtements, sans aucune réflexion sur le trouble qu’elle pouvait ainsi jeter sur des adolescents en plein développement découvrant le corps nu de leur jeune enseignante. J’apprenais bientôt le cas d’une autre enseignante qui allait chaque semaine avec sa section dans les bars gays et lesbiens de la capitale et en invitait certains à dormir chez elle en cas de difficulté à rentrer.  D’autres part, je me rendais compte que des enseignants n’hésitaient pas à tenir avec les élèves un langage des plus familiers, voire même de se lâcher en obscénités incessantes qui allaient jusqu’à en choquer certains, qui n’avaient pas le même degré d’épanouissement sexuel et souffraient donc du décalage avec la partie plus « mûre » de la classe susceptible de goûter à une telle complicité. Au cours de mes quatre années d’enseignement à Perceval, j’ai même eu connaissance d’un cas de harcèlement d’un professeur sur une élève pendant près de deux ans, balayé malgré les plaintes répétées de l’élève pour d’obscures raisons de difficultés de recrutement et d’amitié avec un membre du « Collège Interne », lui garantissant sa bienveillance. Celle-ci avait pourtant été jusqu’à se plaindre ouvertement auprès de la directrice, en vain. Elle se plaignait notamment que pendant les cours de sport, cet enseignant lui envoyait continuellement des « sms » magnifiant ses jambes ou d’autres parties de son corps. Un autre cas faisant partie du folklore local était celui d’un enseignant qui vivait avec une élève avec qui il sortait depuis la « 10ème ». Il était bien connu de tous les enseignants, y compris des membres du « Collège Interne », que cet enseignant et cette élève se rejoignaient chaque récréation en salle de science pour faire l’amour, sans que cela ne pose le moindre problème à quiconque. Nul à l’école n’ignorait leur relation, ni le fait qu’ils habitaient même ensemble, puisque c’est elle qui venait le chercher chaque semaine en voiture à la sortie des Conseils. D’ailleurs, tous les professeurs des Grandes Classes, notamment un membre du « Collège Interne », étaient venus faire la fête chez eux à l’occasion de son départ. Je me souviens ainsi très bien d’une enseignante, au tout début de mon arrivée à Perceval, évoquer ce sujet précis et ajouter qu’ici les relations amoureuses professeurs/élèves : « ça n’a jamais posé aucun problème ! ». Ce qui m’a d’ailleurs été confirmé par l’attitude de F.G. qui, sachant pourtant depuis longtemps certaines choses de ce genre, n’a jamais fait la moindre remarque. Lorsque, à l’occasion de mon départ, je lui ai parlé de ces faits, celui-ci s’est contenté de me dire que pour lui il n’y avait aucun problème, puisque les enseignants en question étaient venus lui en parler.

Si je veux aujourd’hui former une image globale de l’ambiance qui caractérisait les Grandes Classes de Perceval, j’ai envie de dire qu’il s’agissait d’une espèce de colonie de vacances permanente. Comme en camps de vacances, on y travaillait peu (les élèves comme les professeurs), on plongeait sans cesse dans des petites histoires privées qui faisaient le tour de la communauté, il n’y avait plus au bout du compte de séparation nette entre les adolescents et les adultes.

Cette situation d’indulgence et de permissivité avait selon moi des conséquences jusque dans le comportement des élèves. Ainsi, je remarquais rapidement la manière franchement impudique dont beaucoup d’élèves s’habillaient et se comportaient en classe, en dépit d’un règlement intérieur qui n’étaient qu’une vaste hypocrisie et qu’aucun professeur ne cherchait plus vraiment à faire respecter : l’indécence vestimentaire de certains était choquante, leur impudeur manifeste ne pouvait même plus être qualifiée de provocation, mais représentait un certain mode d’être, un étrange rapport à leur propre corps et aux autres. En cours, il était fréquent d’assister à leurs embrassades et caresses érotiques, autant homosexuelles qu’hétérosexuelles.  De manière générale, j’ai pu remarquer que ces élèves ne savaient absolument plus faire de distinction entre la vie privée et l’espace public, ramenant leurs problèmes de couples en cours, réglant même parfois ceux-ci devant tout le monde, sans gêne aucune d’interrompre l’enseignant. Je me souviens avoir du lutter pour interdire que les élèves d’une classe ne se mettent à décorer leur classe comme si il s’agissait de leur chambre, avec des posters douteux. Il m’est même arrivé de décrocher in extremis, avant une réunion de parents de 12ème, les préservatifs que les élèves avaient collés tout autour du tableau. Il était même connu de certains enseignants que les élèves d’une classe particulière couchaient parfois ensembles dans les toilettes pendant les récréations, ou pendant la nuit en profitant du fait qu’ils possédaient les clefs de l’École, s’essayant les uns les autres, et entre ravageant leurs âmes. Je me souviens d’une enseignante évoquant en souriant le fait qu’une année la salle qui servait alors de foyer était devenue « un baisodrome ». Quelques professeurs faisaient bien semblant de s’en indigner de temps à autre, mais sans rien entreprendre de sérieux là-contre. En effet, s’attaquer à ce problème serait revenu à s’attaquer à celui de l’atmosphère générale du lycée. À mon sens, malgré le caractère inquiétant de ces comportements, l’école dans son ensemble fermait les yeux, laissait faire et voulait pas s’interroger sur les causes de tout ceci, voire s’en vantait, comme F.G., affirmant sans broncher que le débordement de libido des élèves était le symptôme d’une absence de sectarisme, en se référant à des remarques que lui auraient apparemment faites des personnalités extérieures. Pourtant, en quatre ans d’enseignement à Perceval, je n’ai rencontré qu’une seule classe dont les comportements sexuels affichés étaient à peu près sains. »

Un extrait de mon article : Un danger inhérent aux écoles Steiner-Waldorf : les professeurs ou intervenants fous :

« L’autre exemple que je voudrais évoquer dans cet article se produisit dans la même école, quelques années plus tôt. Cette institution était à la recherche d’un intervenant extérieur pour la période de Théâtre de « 11ème classe » (l’équivalent de la Seconde de Lycée). On chercha donc, parmi les parents d’élèves, un professionnel des arts du spectacle vivant pour intervenir ponctuellement sur le projet de réalisation d’une œuvre dramatique, pendant trois semaines. On chercha donc parmi les personnalités proches de l’école, conformément à la logique de prudence dans le processus de recrutement, systématiquement mis en œuvre dans les écoles Steiner-Waldorf, visant à chercher  avant tout des sympathisants du milieu anthroposophique. Un parent fut repéré. Il était comédien, marié, et avait inscrit ses deux enfants dans l’école récemment. Il semblait être quelqu’un du métier, capable d’apporter cette touche de professionnalisme dont l’école souhaitait voir bénéficier ses élèves. Le fait qu’il s’arrêtait parfois, au beau milieu d’un chemin, pour entrer en communication avec les forces de la Nature, ou qu’il parlait aux « esprits des éléments », n’inquiéta personne : ces forces et ces esprits sont des réalités pour les pédagogues Steiner-Waldorf. Il fut donc embauché. Mais, après les trois semaines du stage en question, l’école déchanta. En effet, la responsable de classe avait été contactée par les parents d’une élève, absolument furieux. Ils venaient de rencontrer l’intervenant en question, que leur fille de 16 ans avait tenu à leur présenter. Elle leur avait soutenu qu’il était « l’homme de sa vie » et avouée qu’ils étaient sortis ensemble au cours du stage de théâtre, les choses étant allé assez loin. La responsable de classe porta l’affaire au Conseil des Grandes Classes de l’école, qui décida d’étouffer l’incident, « dans l’intérêt de tout le monde ». Les autres instances de l’école ne furent pas mises au courant officiellement, conformément à la logique de cloisonnement de l’information en compartiments étanches mise en place dans les établissements Steiner-Waldorf. En utilisant cette expression, « dans l’intérêt de tout le monde », la responsable de classe voulait sans doute parler de l’intérêt de l’intervenant, qui était marié, de celui de la jeune fille mineure, qui avait accepté de renoncer à cette relation, mais aussi et peut-être surtout de l’intérêt de l’école, qui aurait du faire un signalement. »

Un extrait du témoignage de H, ancien élève Steiner-Waldorf :

« Au sujet du septième passage du document PDF de M. Grégoire Perra, jugé diffamatoire par la Fédération des Écoles Steiner-Wadorf, je souhaite être entendue afin d’évoquer les faits suivants :

  • Au sujet de la proximité douteuse entre les élèves et les enseignants évoquée par M. Perra dans son article, je peux évoquer qu’effectivement les professeurs sortaient de leurs rôles de professeurs et les élèves de leurs rôles d’élèves. Par exemple : un enseignant me demandait de l’informer régulièrement de tout ce qui concernait la vie privée des élèves de ma classe. Ou encore que les enseignants demandaient souvent qu’on leur raconte des aspects psychologiques de notre vie intime, se prenant pour des psychologues. Je peux aussi raconter que les professeurs se mêlent souvent des histoires amoureuses des élèves, prenant partie, intervenant, etc.
  • Je peux aussi témoigner que dans cette école, tout le monde connaissait la relation du professeur de Physique-Chimie avec une de ses élèves. Une rumeur circulait selon laquelle l’élève en question allait le rejoindre à la pause de midi en salle des sciences pour avoir avec lui des relations sexuelles.
  • Je peux aussi témoigner d’une autre relation entre un professeur et plusieurs élèves, qui était connues de tous le monde, à savoir le professeur de Philosophie et une élève de la classe deux ans au-dessus de la mienne, puis avec une élève de ma classe.
  • Je peux aussi témoigner d’une histoire sentimentale entre la professeur d’Économie et d’un élève de ma classe. La professeur en question lui avait fait des avances
  • Je peux relater le cas d’une enseignante qui draguait ouvertement certains élèves, et les invitait chez elle pour « profiter de sa piscine ».
  • Je peux témoigner de l’attitude du professeur de Sport qui draguait ouvertement certaines de ses élèves et leur envoyait même des sms.
  • Je peux aussi raconter que certains professeurs (de Français, d’Eurythmie et d’Histoire-Géographie) prenaient systématiquement pour baby-sitters des élèves de ma classe. »

4) Concernant les mœurs sexuelles entre professeurs et enfants en bas âge :

Un extrait de Ma vie chez les AnthroposophesUn témoignage bouleversant

Dans ce registre, il me faut également raconter un événement que nous avons vécu en commun, Maria et moi. Il fut important, car il resta dans nos mémoires à tous les deux et nous permis de toucher du doigt le comble de la réalité que nous cherchions à comprendre. C’est à partir de ce moment-là, je crois, que la façade s’est définitivement écroulée dans nos têtes et que nous avons tout deux perçus la vraie nature de ces institutions. Nous fûmes en effet contactés par une mère de famille qui prétendait que ses enfants avaient été violés lors de leur passage au Jardin d’enfants, d’une école dans laquelle Maria avait travaillé. La maman avait saisi la Justice plusieurs mois seulement après avoir découvert ce qui se serait passé, et l’enquête n’avait pu en conséquence aboutir qu’à un non-lieu. Pour ma part, il n’était pas question de reprendre le dossier ni de me substituer au travail de la Police. Et il n’est absolument pas question que ce soit le cas aujourd’hui non plus ! Je ne saurais me substituer à une procédure judiciaire, ni en contester les conclusions, quelles qu’elles soient. Je ne suis pas enquêteur, ni détective privé en charge d’investiguer sur les écoles Steiner-Waldorf. Si j’évoque ce dossier, ou d’autres, c’est parce qu’ils font sens pour moi dans le contexte de ma réflexion et de mon vécu au sein des écoles Steiner-Waldorf et de l’Anthroposophie. Je les relate seulement parce que le fait d’en prendre connaissance a une une incidence importante sur ma vision des choses, mais je ne cherche aucunement à accuser qui que soit, ni à me prononcer sur une affaire classée. Si je tiens à évoquer cette rencontre avec cette mère de famille, c’est en raison des aspects bouleversants qu’il a suscité chez moi comme chez Maria, non pour me pencher sur la question de la réalité de ses allégations.

En effet, le caractère bouleversant des propos de cette maman tenaient pour nous au fait que l’événement supposé, évoqué comme un fait par cette mère de famille, ne nous était pas inconnu, ni à Maria ni à moi. Cependant, nous l’avions chacun vécu pour ainsi dire de l’autre côté, c’est-à-dire du point de vue que nous avions alors que nous appartenions encore à la dérive sectaire. Or, il était incroyable pour nous de découvrir à quel point les versions que l’on nous avait fournies lorsque nous appartenions à ce milieu étaient très différentes de celle que nous présentait à présent cette mère éplorée. En ce qui me concerne, c’est encore l’ami médecin anthroposophe, proche de l’école, qui m’en avait parlé :

« Au fait Grégoire ! me disait-il, un jour de juin 2007, tandis que nous nous promenions à proximité de l’établissement.Tu sais qu’il y a eu des accusations de pédophilie pratiquée au Jardin d’enfants ? Une mère de famille accuse M. Untel d’avoir sodomisé ses deux enfants, ainsi que d’autres de son groupe, durant les heures de la sieste. L’école m’a demandé à titre officieux d’examiner les enfants. J’ai effectivement pu constater que ceux d’un des deux groupes présentaient tous des rougeurs suspectes au niveau de leurs anus. Mais j’ai préféré attribuer cela à une infection généralisée. (Je crois qu’il a utilisé le terme de « nannite »). Tu comprends, le pauvre M. Untel est proche de la retraite. Cela doit être très dur pour lui d’être accusé de cette façon. »

Ce qui me bouleversait en entendant évoquer cet événement, près de six années plus tard, c’est le fait qu’il ne m’avait semblé être alors que d’une importance tout-à-fait secondaire. Sans doute le ton presque badin utilisé par mon ami de l’époque avait-il contribué à ce que je ne perçoive pas quelle gravité il pouvait recouvrer. Avec le recul, je crois qu’il s’agit d’une des techniques utilisée par les anthroposophes dans des cas similaires : l’information n’est pas occultée (sans doute parce qu’il n’est pas possible de faire autrement), mais transmise en des termes et sur un ton qui n’éveillent l’attention de personne. Cela permets que, dans les consciences, l’affaire soit comme « classée » aussitôt sue. Quant à Maria, les propos de la mère suscitèrent d’autres souvenirs :

– « Je me souviens de cette histoire, me dit-elle. On en parlait souvent à l’époque, en réunions de professeurs. On nous avait raconté cette histoire en nous disant que cette mère était folle et portait des accusations sans fondements. Une des enseignantes, membre de l’École de Science de l’Esprit, ne cessait de dire que nous n’avions cependant rien à craindre, car jamais les parents n’oseraient porter plainte. Tu te rends compte que mon propre fils était dans ce Jardin d’enfant cette année-là, mais dans l’autre groupe ! On nous avait dit qu’une enquête interne avait conclue que les faits ne pouvaient avoir eu lieu dans l’école, puisque les enfants étaient toujours sous la surveillance de la Jardinière, même pendant les siestes. Mais jamais nous n’avons envisagé que celle-ci pourrait être complice de M. Untel ! En effet, ce Jardin d’enfants est tellement isolé au sein de l’école que même les cuisiniers qui apportent le repas n’ont pas le droit d’y pénétrer. Ils doivent laisser le chariot devant la porte et partir. Quand j’y ais moi-même travaillée, j’avais ressenti un terrible sentiment d’isolement, seule toute la journée avec les enfants, sans aucun collègue. On est l’une des seules structure Steiner-Waldorf de France qui refuse obstinément tout accord avec la PMA, afin que leurs services ne viennent pas mettre les pieds chez nous. Quand j’y réfléchis, je trouve cela très suspect et je me rends compte que c’est très dangereux. Car les faits en question auraient très bien pu se produire. Je suis bien placé pour le savoir ! »

Devant la mère de famille qui, des années plus tard, nous racontait sa version, dans le jardin fleuri de sa maison, nous sentions l’horreur nous monter à la gorge. L’un de ses enfants de dix ans, qui jouait à proximité, avait perdu tout ses cheveux. « Un choc psychologique à retardement », disait la mère. Quand je l’interrogeais sur les raisons pour lesquelles, à l’époque, elle n’avait pas porté plainte aussitôt, elle me donna l’explication suivante :

– « A ce moment-là, nous nous sentions en rupture avec la société. Nous ne faisions pas confiance aux services de l’Etat. Un soir, je baignais l’un de mes enfants. J’ai découvert les rougeurs sur son anus et à l’entour. Son frère jumeau a déclaré spontanément, en rigolant, que c’était parce que le zizi du Monsieur barbu n’était pas rentré. J’ai alors commis une grave erreur, que je devrais me reprocher toute ma vie. Car mon premier réflexe n’a pas été de contacter la Police, mais d’aller en parler à la Jardinière de l’école. Celle-ci m’a écouté, m’a demandé si nous en avions parlé à qui que ce soit d’autre, puis m’a recommandé de continuer à garder le silence jusqu’à ce qu’elle les recontacte. Après une semaine, n’ayant aucune nouvelle d’elle, nous avons écrit une lettre recommandée au directeur de l’établissement. Celui-ci nous a aussitôt reçu avec un grand sourire et nous a promis que tout serait mis en oeuvre pour découvrir la vérité. Mais leur enquête a conclu que les faits ne pouvaient avoir eu lieu à l’école. Comme nous protestions, ils ont ensuite tenté de nous faire peur en nous disant que les actes de pédophilie avaient souvent lieu au sein même des familles et que nous serions nous-même soupçonnés au premier chef si nous persistions dans nos accusations. C’est pourquoi nous avons mis six mois avant de déposer notre plainte. Mais il était bien trop tard. »

– « Mais pourquoi être allée en parler d’abord à la Jardinière de vos enfants plutôt que de vous rendre directement à la Police ? lui demandais-je. Vous vous rendez compte de l’erreur que vous avez commise ? Pouvez-vous l’expliquer aujourd’hui ? »

– « Il y a immédiatement eu un contact très fort entre moi et la Jardinière de nos enfants. Tout de suite, elle a été pour moi un peu comme ma mère. Elle me rappelait d’ailleurs ma maman. Ce phénomène était provoqué par des choses subtiles, comme sa manière de nous sourire ou de nous serrer la main avec chaleur. J’étais complètement fascinée par cette femme ! »

Un moment donné, je demandais à passer dans leurs toilettes. Je fus stupéfait d’y découvrir des produits Weleda en quantité. Je me disais alors intérieurement :

– « Comment peut-on continuer à acheter des produits qui viennent de ce groupe de personnes dont elle pense que certains ont commis de tels actes sur ses enfants ?! »

En lui posant d’autres questions, je compris pourquoi. Pour tenter guérir de cette terrible blessure, la mère avait recours à des voyants, ou des magnétiseurs. Sa manière de penser était fortement marquée par un certain mysticisme.  Elle avait bien compris la nature de l’école où elle avait mis ses enfants, mais pas les liens qui unissaient cette institution à l’ensemble du courant New-Age. Elle ne se rendait pas compte que ce courant spiritualiste était également responsable de l’état de crédulité dans lequel elle s’était trouvée. Elle ne voyait pas que c’était lui qui l’avait fait réagir de manière à ce point inappropriée, la rendant incapable de protéger ses propres enfants comme elle l’aurait du. Elle ne saisissait pas qu’il y a une connexion évidente entre toutes les composantes de ce courant et ce qui serait arrivé, selon elle, à leurs enfants. Car produits Weleda, écoles Steiner-Waldorf, dérapages possibles, mentalité new-age et Anthroposophie font en réalité partie d’un même ensemble, lequel rend possible des tragédies comme celle-ci.

La mère de famille nous permis de prendre connaissance de tout le dossier qu’elle avait en sa possession. Maria découvrit alors avec stupeur que certains documents envoyés à la famille avaient été signés par un de ses collègues qui n’avait, à l’époque, aucune fonction officielle de direction dans l’institution :

– « C’est comme cela que ça marche chez eux, me dit-elle. Certains professeurs sont notoirement incompétents. Mais rien n’est jamais entrepris contre eux, malgré toutes les protestations possibles, alors que d’autres se font virer séance tenante quand certains parents lèvent le petit doigt. Cette impunité s’explique par le fait qu’ils ont parfois accepté de se mouiller jusqu’au cou dans certaines affaires pour protéger leur école. Ce qui est également incroyable, c’est qu’il est très difficile de connaître les faits avec précisions. A l’époque, j’étais pourtant membre du « Conseil de Direction » de l’école. Pourtant, jamais je n’ai eu sous les yeux les documents que je vois aujourd’hui ! Et jamais je n’ai eu non plus connaissance de certains éléments pourtant cruciaux. Je crois qu’en fait, on s’est arrangé pour donner aux différents cercles de l’école des versions tronquées, ou contradictoires. Il y avait une version pour les parents, une autre pour les professeurs des « Grandes Classes », une autre pour ceux des « Petites et Moyennes classes », une autre encore pour le « Collège de Direction », etc. Comme je faisais partie du « Collège de Direction » et de deux autres « collèges », plusieurs versions me sont parvenues. Mais quand j’ai voulu en tenir compte et les comparer les unes aux autres, tout ceci me paraissait tellement confus que j’ai renoncé à comprendre. Je me suis désintéressée de l’affaire, alors que je n’aurais pas du. Je ne sais pas précisément qui, dans l’école, est au commande de tout cela, mais c’est incroyablement bien organisé ! »

Au regard de ce qui vient d’être évoqué, on pourrait légitimement se poser la question de la place de la tentation pédophile dans les écoles Steiner-Waldorf. Encore une fois, il ne s’agit pas pour moi de me substituer à un travail d’enquêteur ou de juge, mais de m’interroger au sujet des fondements psychologiques de nombreux faits hypothétiques dont j’ai eu personnellement connaissance. En effet, les rumeurs de rapports interdits entre professeurs et élèves mineurs sont fréquentes dans les écoles Steiner-Waldorf. Mais on ne les connaît qu’en étant à l’intérieur de celles-ci. Sont-ils avérés ? C’est à la Justice de trancher, si elle en a la possibilité. Mais il lui faudrait pour cela percer un mur de silence et de confusion particulièrement épais. La seule chose que je peux dire, c’est qu’il me semble que la tentation pédophile et le risque de passage à l’acte sont très élevés dans les écoles Steiner-Waldorf. Non pas que tous les professeurs Steiner-Waldorf seraient tous potentiellement pédophiles ! Ce n’est absolument pas ce que je veux dire. Certains sont parfaitement imperméables à cette tentation. Mais d’autres non. Ceux-ci sont moins protégés, selon moi, tout d’abord en raison même de la doctrine pédagogique anthroposophique, laquelle est une sorte de vision fantasmée des enfants, conçus comme des « êtres purs » et « angéliques », venant directement des « mondes spirituels ». Ensuite, ils le sont moins en raison du fait que certains professeurs n’ont pas toujours la structure morale qui leur permettrait de résister à la mise en place, dans ces écoles, d’une proximité douteuse, sciemment organisée, entre professeurs et élèves, afin de produire une emprise psychique sur ces derniers. Certains professeurs vont ainsi très loin dans la proximité corporelle avec les enfants dont ils sont responsables. Maria se souvenait ainsi d’un professeur de classe très respecté, que l’on surnommait affectueusement « l’homme-grappe », car il avait toujours 6 à 8 enfants littéralement pendus à son cou et lui faisant des bisous pendant les récréations. Cet homme était présenté comme le modèle-même du pédagogue Steiner-Waldorf parfait. Il se produisait en tant que tel non seulement à la Formation de l’Institut Rudolf Steiner, mais également au cours de conférences publiques, où il faisait toujours une forte impression. Enfin, quand ce genre d’événements surviennent, les professeurs Steiner-Waldorf pensent d’abord et avant tout à protéger leur institution plutôt que les enfants, ce qui revient à étouffer rapidement les affaires. Je me souviendrais toujours des derniers mots de cette mère de famille, brisée à jamais par la douleur et la culpabilité :

– « Des années plus tard, alors que tout était perdu et qu’aucune de nos démarches juridiques n’avait pu aboutir, alors que je passais devant le siège de la Fédération des écoles Steiner-Waldorf, je suis entrée et j’ai demandé à parler au Président. Celui-ci m’a écouté lorsque je lui ai raconté notre histoire puis, quand je lui ai demandé pourquoi il n’avait jamais pris la peine de répondre à mes nombreuses lettres, il m’a regardé en silence, longuement, sans ouvrir la bouche, jusqu’à ce que je sorte de moi-même. »

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